Mercato - OL - Matthieu Louis-Jean, l'homme qui doit révolutionner le recrutement de l'OL

A écouter tous ceux qui l'ont fréquenté, sa discrétion est à la hauteur de sa compétence. C'est dire les attentes qui l'entourent alors que Matthieu Louis-Jean est devenu en début de mois le nouveau visage de la planification sportive de l'OL. "Secret", pour reprendre les termes de Julien Fournier qui l'a côtoyé à Nice, il l'est. Mais son nouveau rôle l'a quelque peu forcé à venir, un temps, s'exposer aux lumières médiatiques.

Mardi, dans une interview accordée à la chaîne du club, Matthieu Louis-Jean a tenu à exposer son plan pour l'OL dans les semaines et mois à venir. A l'heure où les clubs cherchent à mieux structurer leur cellule de recrutement, l'ancien joueur formé au Havre ressemble au profil idéal pour faire enfin entrer le club lyonnais dans la modernité. Jean-Michel Aulas avait fait l'erreur, en fin de mandat, de sous-estimer l'influence des scouts de terrain pour éviter au maximum les erreurs de casting. Avec Matthieu Louis-Jean, a priori, l'OL a pris un tout autre virage.

"C'est un des plus compétents en France, il a une expérience internationale et sera très important pour le futur du club. Il fait partie des meilleurs recruteurs français" : les mots de Pablo Longoria datent de juin 2021 mais n'ont pas pris une ride. Si l'OM a su être si créatif ces dernières années sur le mercato, ce n'est seulement dû au profil atypique de son président. "Pablo a une part prépondérante dans l'OM d'aujourd'hui mais rien ne se fait seul, avance Mathieu Seckinger, scout qui a travaillé sous ses ordres à l'OM. Matthieu a toujours été pertinent dans le travail qu'il a fait".

Le secret, là-encore, empêche de comprendre tout à fait son influence mais il se murmure que son rôle dans l'arrivée de William Saliba a été prépondérant. A Nice, qu'il avait brièvement rejoint en 2019, on le bénit d'avoir validé l'arrivée de Khéphren Thuram, dont l'OGCN espère tirer beaucoup dans les mois à venir. Mais comment est-il arrivé là ?

Son parcours est d'abord celui d'un joueur, parti rapidement vers l'Angleterre pour ne plus revenir. Formé au Havre, le défenseur, international espoirs, rejoint Nottingham Forest en 1996 et finit sa carrière à Norwich. Mais c'est surtout lors de son après-carrière qu'il commence à faire parler de lui. Scout pour l'académie de Liverpool, recruteur tour à tour pour Nottingham Forest, Brighton, West Bromwich et Bristol, il devient scout auprès de l'équipe première en charge du marché français à Manchester United. Un nom clinquant mais surtout une expérience marquante, à l'écouter.

"En Angleterre, les institutions sont fortes, expliquait-il mardi. Je suis arrivé dans des milieux où tout était bien organisé, structuré. A Manchester United, il y avait un vrai savoir-faire sur l'exigence du plus haut niveau, à être dans le détail. Je me rappelle de réunions 'scoutings' qui étaient en fait des séminaires de travail. Tout cet environnement, ça vous donne envie d'être exigeant".

Exigeant et donc pertinent. Mathieu Seckinger a également travaillé avec lui chez les Red Devils. Il se souvient du vide laissé à son départ vers Nice, en 2019. "Quand il a quitté Manchester sur le marché français, ils n'ont pas repris quelqu'un à sa place, explique-t-il. Après son départ à Nice, ils ont fait des auditions, comme ils font toujours et normalement ils remplacent assez vite. Je me souviens que le responsable des pros, Steve Brown, me disait 'on ne retrouve pas de profil comme lui'. Finalement, ils l'ont repris lui après Nice".

En 2019, Gilles Grimandi, alors directeur technique de l'OGC Nice, décide de faire confiance à son instinct. "Je ne le connaissais pas spécialement en arrivant à Nice, on s'était croisé plusieurs fois et à chaque fois qu'on avait discuté, j'avais trouvé qu'il avait une très bonne analyse, c'était un mec discret, très professionnel, qui avait beaucoup de cordes à son arc, retrace-t-il. En bossant avec lui, je me suis rendu compte que c'était le numéro 1, le meilleur recruteur de France. Et, en Europe, c'est un des meilleurs. Il a une approche internationale avec un réseau très large, de par ses expériences passées, il est apprécié par tout le monde. C'est ce que j'espérais trouver en le faisant venir à Nice et ç’a été encore mieux que ce que j'espérais".

Dans le détail, Louis-Jean a déjà une idée précise du nouveau fonctionnement de l'OL. "Il va y avoir du changement dans la méthodologie, on va essayer d'amener des choses", a-t-il détaillé mardi, révélant au passage l'arrivée de Benjamin Charrier pour accompagner le chapeautage d'une cellule composée de quatre recruteurs pros et d'un analyste. Une cellule "à taille humaine" qui devra limiter au maximum les échecs récents (Jérôme Boateng, Joachim Andersen, Jeff Reine-Adelaïde ou encore Xherdan Shaqiri).

Sa méthodologie est classique mais terriblement efficace : une observation via la vidéo d'abord, entre cinq et sept visionnages selon lui, suivie d'une analyse en direct, avec quatre à six déplacements sur le terrain pour confirmer les impressions visuelles. "En-dessous de dix fois, on ne prend pas de décision sur un joueur", détaillait-il encore. Autre trait propre à Matthieu Louis-Jean : sa capacité à cerner rapidement et efficacement les personnalités d'éventuelles recrues. Même si le Péruvien s'éloigne de Lyon, sa validation de Renato Tapia, observé depuis de longs mois, illustre cette capacité à aller vite et fort sur le profil idoine.

"Il a un œil de très, très haut niveau, explique Matthieu Seckinger. Il est vraiment super pertinent pour voir à travers le joueur, c'est quelqu'un qui est excellent dans le 'profiling'. Il cerne très vite les personnalités, les caractères. Il n'est pas conflictuel, il est très calme mais te challenge quand tu n'es pas d'accord avec lui". Gilles Grimandi ne dit pas autre chose et prend l'exemple de Khéphren Thuram, qui l'avait "marqué".

"Khéphren, je le connaissais depuis très longtemps, de par ma relation avec son père, se souvient l'ancien scout d'Arsenal. Je mesurais son potentiel, je savais qu'il y avait une fenêtre de tir pour le récupérer. Donc je lui demande qu'on aille le voir ensemble et Khéphren passe à côté du match. Je savais qu'il pouvait avoir ces petits creux. Mais, en rentrant, Matthieu a très vite dit 'c'était un jour sans' mais il a su retirer tous les points positifs pour en conclure qu'il fallait foncer. Il ne s'est pas arrêté là où un simple recruteur aurait pu le faire. Son analyse avait été beaucoup plus profonde. C'est du haut niveau, tout simplement, de sentir le potentiel au-delà de simples matches. Pareil, on avait échoué mais on était allé voir Alexander Isak en Hollande et ça s'est avéré être du top niveau".

Bref, vous l'avez compris, dans le milieu, il fait l'unanimité. "Je ne connais personne dans le football qui peut dire du mal de lui, professionnellement et humainement", estime d'ailleurs Mathieu Seckinger. "Pour avoir été contacté pour parler de lui, je peux vous dire que les plus gros clubs européens voulaient l'attirer. En Angleterre, certains ont tout fait pour l'avoir", complète Grimandi. Sur le papier, l'OL a fait le choix parfait pour rentrer pleinement dans la modernité. Au fond, le vrai doute désormais ne le concerne pas vraiment.

"Il a aussi vu les limites des plus grands clubs, continue-t-il. Quand vous avez trop de monde dans le processus de décision, ça devient contre-productif. Il a compris comment fonctionne une cellule en 2023. Quand il est au contact des décideurs, il devient vite indispensable. Il n'y a aucune raison que ça ne marche pas s'il le laisse travailler. Je pense que Textor va très vite être sous son charme".