Mi-septembre, elle expliquait à l’Agence France-Presse (AFP) ne pas être « hantée » par le record de Marinette Pichon (81 buts en 112 sélections nationales). Une semaine plus tard, mardi 22 septembre, lors des qualifications pour l’Euro 2022 face à la Macédoine du Nord, Eugénie Le Sommer a détrôné l’icône, devenant la meilleure buteuse de l’équipe de France, avec 82 réalisations en 171 sélections.
L’ancienne numéro 9 des Bleues, aujourd’hui âgée de 44 ans et qui fut la première joueuse française professionnelle à s’expatrier aux Etats-Unis et à vivre de son métier, ne s’y était d’ailleurs pas trompée : c’est l’attaquante de l’Olympique lyonnais (OL) qui allait lui ravir le record, prédisait-elle lors d’un entretien vidéo croisé de L’Equipe entre les deux joueuses à l’aube de la Coupe du monde organisée en France, en juin 2019.
« Comme Eugénie est une fille et une joueuse dans laquelle je m’identifie, pour moi c’est aussi une fierté que ce soit elle qui le fasse tomber », expliquait l’ancienne attaquante du FCF de Juvisy. « Quand je suis arrivée en sélection, mon premier objectif était surtout d’y rester », rappelait, d’une voix douce, Eugénie Le Sommer, dont le ratio de buts par match (0,47) est cependant inférieur à celui de sa glorieuse aînée (0,72).
Ce mardi 22 septembre, c’est le sourire aux lèvres, la lettre « M » formée avec les mains en hommage à sa prédécesseure, que la jeune femme de 31 ans a inscrit cette nouvelle ligne à un palmarès déjà bien fourni. Car l’attaquante est déjà meilleure finisseuse de l’histoire de l’Olympique lyonnais – 270 réalisations en 314 matchs –, et, cet été, elle s’est en outre adjugé une septième Ligue des champions avec les Fenottes (« jeunes Lyonnaises » en argot local, équivalent féminin des Gones qui décrivent l’équipe masculine), au détriment des Allemandes de Wolfsburg (3-1).
Eugénie Le Sommer a été de toutes les épopées européennes de l’OL, qu’elle a rejoint en 2010. Avec ses coéquipières Wendie Renard et Sarah Bouhaddi, elles peuvent se targuer d’avoir décroché le plus de titres en C1, hommes et femmes confondus. « Il n’y a pas de lassitude. On a toujours envie de gagner », rassurait la native de Grasse, à l’issue de la rencontre. C’est « comme un rêve », résumait sur Twitter la jeune femme, dont la passion pour le ballon rond remonte à la petite enfance.
« C’était une teigne, elle se faufilait partout »
Cette vocation, Eugénie Le Sommer la tient de sa mère, elle-même ancienne joueuse. Pourtant, confiait-elle à L’Equipe en août, cette dernière s’est d’abord montrée « réticente » quand sa fille de 4 ans lui a demandé de l’inscrire dans un club. « Non pas qu’elle refuse que je fasse du foot, mais elle craignait les moqueries et la mauvaise perception qu’avait alors le foot féminin. Elle en a elle-même fait les frais. Elle avait simplement peur que je le vive mal, elle souhaitait me protéger avant tout », expliquait l’attaquante de l’OL.
« J’ai signé ma première licence à l’âge de 5 ans. A l’époque, sur les terrains, il y avait beaucoup moins de filles que maintenant. Jusqu’à 13 ans, j’étais d’ailleurs la seule dans mes équipes respectives », racontait-elle encore au journal régional Ouest France, en 2009. Ses parents ont bien tenté de la détourner des pelouses, l’encourageant à trouver un avenir sur les tatamis à l’aide du judo. Mais après des années de pratiques parallèles, la petite Eugénie délaissera complètement le kimono à l’âge de 12 ans.
L’enfance d’Eugénie Le Sommer et de ses huit frères et sœurs a été rythmée par les déménagements liés aux mutations de leur père policier. C’est finalement en Bretagne, plus exactement dans le Morbihan, à Ploemeur, qu’elle fait ses premières armes avec des crampons aux pieds. Interrogé par France 3 Bretagne, Robert Muscat, son ancien éducateur à l’AS Guermeur, de 1998 à 2004, garde le souvenir d’une enfant au « démarrage foudroyant », « difficile à marquer ». « C’était une teigne, elle se faufilait partout », se souvient-il. Elle était « très bonne des deux pieds et de la tête, même si elle était petite » (1,61 mètre).
Lorsqu’elle a eu 14 ans, les équipes mixtes n’étant plus autorisées, elle a quitté le club pour le FC Lorient, qui lançait son équipe U15 féminine, inscrite dans un championnat de garçons. « Je ne pourrais même plus vous dire avec combien de buts elle avait fini. Elle était au-dessus », souffle sa coéquipière de l’époque Amandine Sevin. Pour cette dernière, il n’y avait alors aucun doute : « Dans sa tête, c’était clair, elle voulait devenir professionnelle. »
Eugénie Le Sommer franchit le pas en 2007, en rejoignant Saint-Brieuc en D1. Et, dès sa troisième saison (2009-2010), elle termine meilleure joueuse et meilleure buteuse du championnat : 19 réalisations en 22 matchs. C’est à ce moment-là qu’elle tape dans l’œil de l’OL et du Paris-Saint-Germain… Elle préférera la formation rhodanienne à celle de la capitale. La suite est désormais connue.
« Elle deviendra une vedette ! »
De nature timide, la jeune femme assure avoir gagné en confiance au fil des ans : « Le football (…) m’a aidée à m’épanouir et à affirmer ma personnalité. Petite, j’avais du mal à parler, mais lorsqu’on joue on est obligé de communiquer avec les autres, même si cela suppose des efforts. » « Dans la vie, quand elle a quelque chose à dire, elle essaie de le dire (…). C’est quelqu’un d’assez simple, de très agréable dans un collectif. On rêve de jouer avec des coéquipières comme ça et de partager des moments », résumait, en 2015, la défenseuse Wendie Renard, alors capitaine de la formation tricolore, au site FootMercato.
Mise en cause par la sélectionneuse de l’équipe de France, Corinne Diacre, après l’élimination des Bleues en quarts de finale du Mondial l’an dernier, Eugenie Le Sommer n’a d’ailleurs pas hésité à faire part de son mécontentement. Et, aujourd’hui, si la tension s’est estompée entre les deux femmes, l’attaquante a soutenu en conférence de presse la décision « courageuse » de la gardienne de l’OL, Sarah Bouhaddi, de ne pas revenir en sélection nationale tant que Corinne Diacre serait en poste.
Record de buts en sélection, sacre européen avec son club et même mariage au mois d’août avec son compagnon de longue date, Florian Dariel… L’année 2020 aura été un des meilleurs crus pour la joueuse. De quoi donner raison à son grand-père qui, selon le magazine La Vie, quand il a appris que sa petite-fille était née le 18 mai 1989, se serait laissé aller à la prophétie suivante : « Elle est née pendant le Festival de Cannes, elle deviendra une vedette ! »
Mais pas question pour la jeune femme de se reposer sur ses lauriers. Car, bien que meilleure buteuse de l’histoire des Bleues, elle n’a encore pas ramené de trophée avec la formation nationale. « C’est difficile, parce que j’ai tout gagné en club et, à l’inverse, en équipe de France, rien du tout… », constate l’intéressée. Alors, comme elle le dit elle-même : « Désormais, le plus important reste la victoire, de se qualifier pour l’Euro. »
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