Delphine Cascarino
Delphine CascarinoCredit Photo - Icon Sport
par Rafik Youcef
Interview

EXCLU - Delphine Cascarino : « La jeune génération, on a un rôle à jouer »

Plus qu’une simple footballeuse, Delphine Cascarino est une jeune femme engagée. Pour s’en rendre compte, il suffit de consulter son compte Instagram. L’internationale française n’hésite pas à prendre position sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Du rugby à la Ligue des Champions en passant par ses envies d’étranger, l’ambitieuse attaquante de l’Olympique Lyonnais ne mâche pas ses mots.

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Voici quelques extraits de notre interview de Delphine CascarinoL'intégralité de cet entretien de 4 pages est à retrouver dans le magazine n°337 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 30 novembre

Numéro 337 : La fuite des talents, le chant du départ !

« Il faut en profiter pour faire passer des messages engagés »

EXCLU - Delphine Cascarino : « La jeune génération, on a un rôle à jouer » - Delphine Cascarino
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Tu as démarré par le rugby. Que serais-tu devenue si tu avais continué ? 

Je ne me suis jamais posée la question (sourire). Peut-être que je serais devenue joueuse de rugby à haut niveau, qui sait ? Je ne sais vraiment pas. Je n’y ai jamais réfléchi. Mais oui, peut-être que j’aurais eu la même carrière dans le rugby. 

Tu étais quel type de joueuse au rugby ?

Oula, j’étais assez jeune. J’avais 6 ou 7 ans, ça date ! Mais j’étais comme sur un terrain : assez rapide dans le couloir, je courais avec le ballon pour marquer des essais. 

À 6 ans, c’est peu commun de voir une fille se mettre au rugby. 

Bah moi, j’aimais bien ! J’avais besoin de courir et de me dépenser. Et le rugby me permettait d’évacuer toute mon énergie. Ça me faisait du bien. Et puis, il n’y avait pas énormément de contacts étant donné notre jeune âge. Les plaquages étaient très gentils, je ne risquais rien. J’aimais bien le rugby. 

Tu étais plus talentueuse au foot ? 

Je ne sais pas si j’étais plus talentueuse au foot, à l’époque. Mais j’aimais plus le foot. Dans la cour de récréation, tout le monde jouait au foot, pas au rugby. C’est difficile de jouer au rugby sur du béton, ça fait mal… Petit à petit, je préférais le foot, du coup, je me suis inscrite dans un club. 

Aucun autre sport ne t’attirait ? 

Non, j’ai toujours joué au foot naturellement. À la télé, je pouvais regarder d’autres sports. Mais à partir du moment où j’ai arrêté le rugby, je ne me suis vraiment intéressée qu’au foot. 

De nombreuses filles peuvent s’identifier à toi, qu’est-ce que ça te fait ? 

À l’époque, il est vrai qu’il n’y avait vraiment pas de joueuses de foot reconnues. D’ailleurs, quand je me suis inscrite au foot, je ne savais même pas qu’il y avait une section féminine à l’OL. Je l’ai découvert par la suite. Aujourd’hui, c’est incroyable de se dire qu’on est regardées et appréciées par de jeunes filles. C’est bien de savoir qu’on peut servir d’exemple pour les futures générations. C’est toujours agréable d’être considérées comme les « idoles » des futures générations. 

Comment réagis-tu quand les plus jeunes te sollicitent ? 

Ça fait toujours bizarre, on ne s’y habitue jamais. Quand une petite fille vient te voir pour une photo ou autre, c’est toujours une sensation étrange. Mais je suis fière d’avoir un petit peu de fans, j’espère que ça va continuer. C’est vrai que c’est assez bizarre. On ne s’y fait jamais. 

Pourquoi ? 

Parce qu’on se dit qu’on était à la place de ces mêmes jeunes il y a encore peu. Nous aussi, on était fans de sportifs. Et se retrouver de l’autre côté de la barrière, ce n’est pas une chose habituelle. Au début, c’est difficile. Mais on doit s’y faire, car plus le football féminin évolue, plus on tend vers ça. 

Tu te souviens de la première fois qu’on a pu te solliciter ? 

Là, je n’ai pas le souvenir en tête. C’était sûrement lors d’un de mes premiers matchs avec la D1 féminine qui est plus mise en avant. C’était vraisemblablement à cette occasion-là. 

En observant tes réseaux sociaux, j’ai remarqué que tu étais très engagée, notamment pour la biodiversité, la liberté des Ouïghours et pour la place de la femme dans le sport. Ces sujets sont importants pour toi ? 

Oui, la jeune génération, on a un rôle à jouer. Pas forcément dans le sport, mais dans la société actuelle. Il faut qu’on parle des vrais problèmes. Si je peux aider à mon petit niveau, pourquoi ne pas en parler ? On sait qu’on a une petite audience sur les réseaux sociaux donc il faut en profiter pour faire passer des messages engagés. 

« Dans tous les cas, je ne suis jamais satisfaite de mes matchs »

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Delphine CascarinoCredit Photo - Icon Sport

Tu veux aussi montrer que tu es plus qu’une simple footballeuse ? 

Avant tout, je suis une jeune femme. On a besoin de montrer l’exemple. Pour l’environnement ou la place de la femme dans notre société, on a un rôle à jouer. Du coup, je n’hésite pas à faire passer des messages. Ou du moins, faire en sorte que ces messages soient vus, entendus ou lus. 

Quelles valeurs aimerais-tu véhiculer ? 

La solidarité. Dans le sport, la solidarité est très présente et ça peut servir dans la vie de tous les jours. La gentillesse, l’entre-aide, l’humilité, il y a beaucoup de valeurs que je partage et qu’on retrouve dans le sport. C’est pour ça que le sport a une place importante dans la société parce qu’il véhicule de belles valeurs. J’espère que les prochaines générations prendront conscience de l’importance du sport dans la société. 

Plus jeune, tu t’inspirais de qui ? 

Sur le terrain, j’aimais beaucoup Zinedine Zidane. C’était mon idole. C’est un joueur élégant. Et il a tout gagné, il était exceptionnel. 

Tu es présentée comme une joueuse rapide, est-ce qu’il y a des aspects de ton jeu qu’on oublie de mettre en avant selon toi ? 

Oui, ma technique. On dit souvent qu’il faut jouer sur ses qualités. Je suis d’accord, mais je n’ai pas que la vitesse. Je suis aussi technique. Il ne faut pas l’oublier et il faut que je m’en serve. Parfois, on pense que je suis uniquement rapide. Mais pas du tout. Je ne dirais pas que ça m’agace, mais j’essaie de montrer autre chose. En match, j’essaie de moins utiliser ma vitesse, de faire des choses différentes pour montrer que je suis capable de m’appuyer sur d’autres qualités. 

Avant chaque match, quels sont tes objectifs ? 

Déjà collectivement, l’objectif est de gagner. C’est le but de tout athlète. Personnellement : faire un bon match, marquer et faire marquer. Ce sont mes objectifs personnels. Il y a aussi ce que nous demandent les coachs. Il faut répondre à leurs attentes. Voilà les petits objectifs qu’on se fixe avant chaque rencontre. 

Et quand tu n’atteins pas ces objectifs, tu réagis comment ? 

Dans tous les cas, je ne suis jamais satisfaite de mes matchs. On peut toujours faire mieux. J’arrive toujours à trouver un truc qui ne va pas. Je me dis : « À ce moment du match, j’aurais dû faire ça au lieu de ça ». 

Es-tu obnubilée par les statistiques ? 

En tant que joueuse offensive, j’ai besoin de marquer. Quand je ne marque pas, c’est frustrant. N’importe quel attaquant se sent mal quand il finit un match sans marquer ou faire marquer. C’est sûr qu’on fait attention à ses statistiques. 

Quel est le conseil qui t’a le plus fait avancer ? 

De jouer libérée, de ne pas se prendre la tête pour atteindre ses objectifs. Ce sont des paroles comme ça qui permettent d’avancer et de progresser surtout.  

On a souvent parlé de toi comme une joueuse prometteuse. À 23 ans, c’est désormais fini. Tu sais que les observateurs vont attendre plus de toi ? 

Je n’ai pas encore atteint mes objectifs personnels. Je suis encore jeune, mais j’ai des objectifs élevés. Oui, beaucoup de monde va attendre plus de moi, mais j’attends aussi beaucoup de moi (sourire). C’est à moi de ne pas me mettre de pression particulière. Et de continuer à travailler pour répondre aux attentes et atteindre mes objectifs. 

Quels sont tes objectifs ? 

J’évolue dans la meilleure équipe du monde, du moins, sur le papier. J’ai pour objectif d’être parmi les meilleures joueuses du monde. 

Tu ne penses pas en faire partie ? 

Ce serait prétentieux de le dire. (Hésitante) Mais je pense faire partie des meilleures joueuses. J’espère en tout cas. (Elle coupe) Allez je te pose la question, qu’est-ce que tu en penses toi ? Est-ce que je fais partie des meilleures joueuses ? (Rires). 

Oui, mais ce n’est pas prétentieux de le dire. Tu as le droit d’avoir des ambitions et de les faire savoir. 

J’ai des ambitions. Et je laisse les gens me placer. Je ne vais pas me placer toute seule (sourire). 

« Je ne sais vraiment pas où se trouve mon avenir après le foot »

EXCLU - Delphine Cascarino : « La jeune génération, on a un rôle à jouer » - Delphine Cascarino
Delphine CascarinoCredit Photo - Icon Sport

Tu sens que tes adversaires et tes partenaires te voient différemment ?

Le regard des autres peut changer. Mais je ne l’ai pas forcément remarqué. Si on me met sur le terrain, c’est qu’on a confiance en moi. Du coup, ça a sûrement changé le regard que les autres avaient de moi. Après, je ne suis pas dans la tête de mes adversaires. Je ne fais pas attention à tout ça. 

De plus en plus de joueuses tentent l’aventure à l’étranger, comment expliques-tu ce phénomène ? 

Ça s’explique par l’évolution positive du football féminin dans le monde entier. C’est bien que d’autres pays mettent les moyens dans le football féminin. Aller à l’étranger, c’est une bonne idée. J’y pense de plus en plus. (Elle coupe) Je n’en dirai pas plus. Mais c’est dans un coin de ma tête. 

Qu’est-ce qui te plairait à l’étranger ? 

Sans parler de l’aspect sportif, je vais d’abord évoquer l’aspect humain. Aller dans un autre pays, vivre à l’étranger, c’est vraiment quelque chose qui m’attire. Concernant l’aspect football, ce serait intéressant de découvrir un autre championnat. 

Quels sont les pays qui te donnent envie ? 

Beaucoup de pays m’attirent. J’aime bien les États-Unis, pour le football et la vie de tous les jours. J’aime bien l’Angleterre et l’Espagne aussi. Il y a plein de pays intéressants à découvrir. 

Concernant l’OL, comment arrive-t-on à se motiver quand on gagne tout ? 

On n’est jamais rassasiées. Il ne faut pas croire que c’est facile. Chaque année, c’est difficile. Les victoires ne se ressemblent pas. Surtout en Ligue des Champions, c’est tellement dur. Plus les années passent, plus on rencontre des difficultés. Les gens pensent que c’est facile parce qu’on vient de remporter la compétition pour la cinquième fois d’affilée. Ça semble facile, mais pas du tout. Et puis, c’est toujours plaisant. Après, c’est sûr qu’au bout d’un moment, on va avoir envie de gagner d’autres championnats pour se fixer des objectifs différents, casser la routine. 

Une question sur l’équipe de France. La sélectionneuse, Corinne Diacre est régulièrement pointée du doigt. Est-ce un problème pour l’avenir de la sélection ? 

Moi, je me concentre sur le jeu et sur l’équipe. Voilà, je ne me prononcerai pas à ce sujet.  

Tu as déjà des idées pour l’après-foot ?

Franchement, pas du tout. Je me suis arrêtée après l’obtention de mon bac STMG. Je n’ai pas poursuivi mes études. Enfin, j’ai essayé, je me suis inscrite à la fac en information - communication à Lyon 2, mais j’ai tout de suite vu que ça allait être compliqué avec les entraînements. J’y suis restée quelques semaines seulement. Je m’étais lancée dedans, car j’aime bien le marketing. Mais ce n’est pas une passion. Je voulais juste découvrir cette filière. Du coup, je ne sais vraiment pas où se trouve mon avenir après le foot. Je suis dans le flou. Il faut que j’y pense parce que ça passe vite. 

Si tu n’avais pas été footballeuse, tu aurais fait quoi ?

Aucune idée. Quand j’étais toute petite, je me disais que j’allais être banquière, que j’allais bosser dans une banque. Je ne sais pas pourquoi. Je répétais tout le temps ça à ma mère. Mais en grandissant, j’ai remarqué que je n’avais pas du tout envie de ça. La finance, ce n’est pas mon truc. Aujourd’hui, je n’ai pas d’idée. Je suis désolée, je ne t’aide pas trop pour ton interview. 

Si tu étais journaliste, tu poserais quelle question à Delphine Cascarino ? 

(Elle réfléchit). Je lui demanderais : « Dans quel club aimerais-tu aller ? ». Mais Delphine ne répondra pas à cette question (rires). Elle garde la réponse pour elle. 

Si tu devais finir l’interview par une phrase qui te représente, tu dirais quoi ? 

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Cette phrase provient des fables de Jean de la Fontaine. Ça veut dire qu’il ne faut pas se précipiter, ne pas griller les étapes et se montrer patient. Avec le travail, on peut arriver à nos fins même si ça peut être long. 

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Pour résumer

Du rugby à la Ligue des Champions en passant par ses envies d’étranger, Delphine Cascarino (OL) ne mâche pas ses mots.

Rafik Youcef
Rédacteur
Rafik Youcef

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